Première réunion avec le ministre de l'Intérieur
Chers collègues,
Ce matin, à Beauvau, s'est tenue la première réunion entre le ministre de l'Intérieur et la parité syndicale : notre ministre était accompagné de membres de son cabinet et de la directrice générale de la police nationale par intérim ; du côté syndical, chacune des 9 organisations représentatives du périmètre police avait envoyé deux représentants (Olivier Boisteaux et Tristan Coudert pour le SICP).
Après un tour de table rapide de présentation, le ministre de l'Intérieur a souhaité ouvrir la réunion en déclinant rapidement sa vision stratégique.
En introduction, il a indiqué qu'il entendait redonner du sens au métier des forces de sécurité intérieure, ajoutant qu'il était particulièrement conscient que c'était un grand point faible actuellement. Pour cela, il considère qu'il faut soutenir fortement les agents dans l'exercice de leurs fonctions, et assumer avec fierté la mission, qu'il a répétée avec la même force que lors de son premier discours consécutif à la passation de pouvoir : le ministre veut rétablir l'ordre, sans lequel ni liberté ni égalité ne peuvent exister.
Pour cela, il souhaite suivre trois grands axes :
- sécurité publique : la stratégie ne peut qu'être globale, en verticalité comme en horizontalité. La verticalité impose de s'intéresser à tout le spectre de la délinquance, par exemple sur la question du narcotrafic dont il fait une lutte fondamentale de moyen et long termes, entrainant l'avenir de notre société. L'horizontalité commande de voir la sécurité comme un continuum, entre les différentes forces publiques ou parapubliques, mais aussi avec la Justice ;
- immigration : le ministre souhaite chercher une réponse globale en trois volets : international, avec un travail fort sur les pays source et de transit ; européen, avec la rediscussion de la « directive retour » ; nationale, avec de nouvelles circulaires et plus tard un volet législatif pour que la France cesse, dans ce domaine, d'être la "mieux disante" de l'Europe ;
- islam politique : le ministre considère qu'il faut étendre la lutte actuelle contre le séparatisme à l'islam politique, mais n'a pas souhaité développer davantage son plan dans ce format.
S'agissant de la méthode, s'il ne l'a pas spécifiquement détaillée, nous avons retenu des échanges qu'il préfère des petits pas très concrets et rapidement applicables à de grands plans et réformes s'empilant sans résultats.
Avant de passer la parole aux organisations syndicales, le ministre de l’Intérieur a souhaité dire un mot de plusieurs sujets spécifiques dont notamment :
- le budget : tout en indiquant qu'il ferait tout ce qui est en son pouvoir pour que les engagements de l'Etat soient tenus, il a précisé qu'il ne pourrait pas faire de miracles dans le contexte actuel, qui place la France au bord d'une crise budgétaire voire financière ;
- les suicides dans l'institution, sujet sur lequel il a déclaré être particulièrement sensible ;
-l'accueil du public dans les commissariats : sujet sur lequel il souhaite réfléchir pour lancer un vaste plan d'amélioration ;
-la filière investigation en souffrance : il veut chercher des pistes d'amélioration et souhaite qu'on lui fasse des propositions. Il va également demander un audit de l'IGPN pour évaluer la pertinence et l'impact de la réforme territoriale dans ce domaine.
Chaque organisation syndicale a ensuite été invitée à s'exprimer. De nombreux sujets ont été abordés par les représentants du personnel, allant des rapports avec la Justice à la procédure pénale en passant par les moyens, la neutralisation des multiréitérants, la PPN ou l'incarcération. La nouvelle directive sur la vidéosurveillance des GAV a été unanimement dénoncée, le ministre a répondu attendre une analyse de ses services juridiques.
Tentant de ne pas être trop redondant avec les interventions précédentes, et concis vu le format de la réunion, le SICP a attiré l'attention du ministre de l’Intérieur sur les points suivants :
- nous avons répété que la sécurité était un sujet dont la police ne portait qu'une part de responsabilité au sein d'une chaîne pénale plus large. Le SICP a mis en garde contre la tentation, une fois de plus, de faire porter sur notre institution toutes les ambitions sécuritaires du gouvernement, profitant du fait que la DGPN est une institution hiérarchisée, obéissante et visible. Sans des réformes dans le reste de la chaîne pénale, par exemple au sein de la Justice, cette stratégie serait vouée à l'échec. En outre, elle épuiserait davantage les policiers, fatigués par une actualité lourde depuis près de 10 ans, mais aussi par un empilement de réformes successives souvent mal pensées, généralement mal mises en place, et jamais évaluées avec honnêteté ;
- l'urgence, au sein de la chaîne de sécurité, est de simplifier et de neutraliser. Simplifier, notamment la procédure pénale, qui combine aujourd'hui tous les inconvénients des procédures inquisitoires comme accusatoires et est devenue aussi illisible que nuisible. Nous nous méfions des plans de simplification, qui aboutissent inlassablement à l'alourdissement des contraintes au fil des ans. Nous avons répété qu'une réflexion sur l'oralisation devrait être menée. Neutraliser, parce que quelques multiréitérants sont responsables d'une masse considérable de crimes et délits. Leur mise hors d'état de nuire représenterait un gain fondamental pour la sécurité de notre pays, mais aussi un allègement notoire du travail des policiers comme des magistrats ;
- sur des sujets plus techniques, le SICP a rappelé que le corps de conception et de direction restait dans l'attente de certaines déclinaisons du protocole de 2022 prévues et dont nous n'imaginons pas qu'elles ne puissent être maintenues, quel que soit le contexte budgétaire (hausses à venir de l'IRP par exemple). Nous souhaitons également poursuivre les discussions entamées sur la transposition au CCD des grilles salariales des administrateurs de l’Etat ;
- enfin nous avons, dans la lignée de ce qui venait d'être annoncé, demandé une évaluation de la mise en oeuvre de la réforme territoriale et notamment de son impact sur les filières spécialisées, la pertinence du cadre purement départemental nous ayant toujours semblé douteuse pour ces dernières.
Le ministre a conclu les entretiens en se réjouissant que les organisations syndicales de la police soient d'abord et avant tout des défenseurs de leur mission et de leur institution, comme venaient de le prouver les interventions. Il nous a donné rendez-vous dans les prochaines semaines pour des entretiens bilatéraux, ce qui donnera l'occasion au SICP de développer les nombreux points qui méritent l'attention de notre ministre et de son cabinet.
Nous vous souhaitons un excellent week-end.
L'équipe du SICP